« Evan,

J'ai oublié de répondre à ta dernière lettre et je pense que je l'ai perdue dans les couloirs ou, en tout cas, je ne sais pas où je l'ai mise. J'ai emprunté le hibou d'un de mes camarades de dortoir, tu peux répondre avec lui par contre il est un peu capricieux, ne touche pas sa patte gauche ou il va te mordre. (Une bête capricieuse, te dis-je.)

Je ne sais pas si tu dors et si je te réveille, je suis désolé, mais je m'ennuie et je me dis que tu serais bien capable de me tirer de toute cette apathie – à moins que tu ne sois avec tes camarades de dortoir qui, de fait, doivent être plus intéressant que moi, tout du moins ce soir.

Je ne sais pas si tu as entendu – c'est une formule, note, tout le monde a entendu – mais mon frère a été officiellement radié de la maison par Beuglante, ce qui est un sentiment un peu étrange.

Parle-moi de ta journée, raconte-moi une blague. Je ne peux pas sortir de mon dortoir actuellement mais je ne cracherais pas sur le fait de te voir.

Amicalement,
Regulus. »

Lettre retournée quelques minutes plus tard, viciée de quelques tâches de sang, à la patte d'un hibou quelque peu déplumé.

« Bordel de merde, cette saloperie m'a mordu !
(Si tu me réponds qu'un hibou, ça ne mord pas mais ça pince, je te jure que je descend chez les Serpentard te faire ta fête).

Dormir ? Non, c'est un peu la teuf ici, mec. Si ce n'était pour l'examen de potions demain, je serais sûrement déjà déchiré. C'est une bonne chose, remarque ; au moins je suis en état de t'écrire, ahah !

Sirius fête son indépendance. C'est un peu difficile de passer à côté.
Comment tu te sens ?

Tu sais, je connais ton mot de passe. Je peux venir te voir, s'il n'y a que ça.
Mais enfin, c'est l'histoire d'un mec qui rentre dans un café. Et puis plouf.
Hé, chaton, si t'as rigolé, tu me dois une bière au beurre. »

« Est-ce que je veux entendre parler de ces tâches de sang ? Je ne crois pas. Il ne t'a pas arraché le doigt, au moins ? J'espère que non. Quoi que Madame Pomfresh doit pouvoir te recoudre, je ne sais pas.
(Ça ne mord pas, ça pince – ne descend pas, tu m'as tendu la perche.)

Je ne crois pas qu'il y ait grand chose à dire, malheureusement. Je suppose que c'est mieux pour tout le monde. Peut-être que mes parents arrêterons d'hurler s'il n'est plus là, je ne sais pas. Ce n'est pas comme si nous étions très proche de toute façon.

Non, pas la peine de descendre, je ne pense pas que mes camarades seraient ravis de te voir et je ne peux pas te cacher ce soir, Severus se balade dans les dortoirs et il a l'air plus curieux que jamais. De toute façon ce ne serait pas légal – non pas que la légalité t'inquiète mais, à moi, elle m'importe.

Je te payerais une bière au beurre de toute façon, c'est à moi de payer ma tournée. Tu m'accompagnes toujours à Pré-au-Lard en fin de semaine ?

Regulus. »

« Mon doigt est toujours d'attaque pour te dire d'aller te faire foutre, jeune arrogant.

Mieux pour tout le monde, même pour toi ? Enfin, je ne veux pas insister. Mais si tu as besoin de parler, je suis là pour toi.

Tu sais que j'ai du mal à obéir quand on me dit non, Reg.. mais okay, si tu y tiens, je reste là-haut. Mais je vais sûrement t'écrire toute la nuit, j'espère que tu es prêt à me supporter aussi longtemps. ♥

Toujours, chaton. Il faudra juste qu'on aille traîner du côté de la cabane hurlante, Audric m'a parié deux gallions que je ne pourrais pas péter une fenêtre, et qui suis-je pour refuser ? Tu pourras m'accompagner, si bien évidemment tu t'en sens capable. Je comprend que tu ais la trouille.

Dis, si tu pouvais être ailleurs, là, tout de suite, où est-ce que tu irais ? »

« Ta vulgarité me surprendra toujours, tu sais, mais je ferais comme si tu étais un jeune homme élégant et ne relèverais pas.

Pour moi ? Ce n'est pas la question, pas tellement, si ? Je veux dire, ce n'est pas comme si ça importait à qui que ce soit – sauf peut-être à toi, je ne sais pas – alors je n'ai pas spécialement perdu de temps à y réfléchir. De toute façon, ça ne changera rien, ça ne ramènera pas Sirius, ça ne me tirera pas de là. Donc, que veux-tu que je te dise ? Est-ce que c'est mieux pour moi ? Je ne sais pas. Je ne sais même pas s'il y a quoi que ce soit quelque part qui soit mieux pour moi.

La cabane hurlante, me faire peur ? Je n'ai pas neuf ans ! Allons-y, c'est presque aussi glauque que chez moi, j'ai hâte de voir de plus près. Il faut que tu rentres à l'intérieur ? Je tenterais bien l'exploration. Il paraît que c'est hanté – mais hanté par quoi honnêtement, nous vivons tous les jours avec des fantômes, pourquoi d'autres nous inquiéteraient ?

Tu me poses une question difficile. Sans doute très loin. Sans doute nulle part. Des fois j'aspire juste à un endroit plein de vide, de noir et de silence. C'est un peu déprimant mais ça reste apaisant. Après, si on parle d'endroit concret... Une petite île, loin, une maison sur la côte, la mer, le vent et les herbes hautes, ça, ça me parle. Et toi ?

Regulus. »

« Hé, arrête de faire ton emo, on dirait un Serpentard.
Oh, navré, j'ai tendance à oublier que tu es un Serpentard. ☺
C'est à toi de choisir ce qui est le mieux pour toi, Reg. Si t'es défaitiste, il ne t'arrivera jamais rien d'intéressant. On a beau te répéter le contraire (bon, à part moi, mais moi je suis parfait), t'es le seul maître de ton existence.
Tiens, rien que maintenant. Qu'est-ce qui t'empêche de sortir de Poudlard et d'y aller, sur ton petite île, au loin, ta maison sur la côte et le sable fin et l'iode au bord des fenêtres ? - là encore, à part moi, car je sais que tu ne peux pas te passer de moi, tout ça, tout ça.

Ouais, il faut rentrer à l'intérieur. Quel intérêt, sinon ? Tu poses des questions stupides parfois, asticot. Je ne sais pas si c'est hanté, mais si on tombe sur un truc, il ne sera pas déçu du voyage, crois-moi.
Puis deux gallions, c'est deux gallions.

Moi.. J'irai sans doute en Islande. Un jour, si t'es sage, si tu le mérites, je te dirais pourquoi. »

Un moment après, le parchemin est abîmé par endroit, comme s'il avait enfoncé sa plume trop fort dedans.

« C'est le genre de blagues vraiment pourries qui me font me questionner sur pourquoi je continue à te parler.

Blablabla, plus facile à dire qu'à faire. Un jour peut-être. Pour l'instant le mieux pour moi c'est de la boucler et de ne pas moufter. C'est la solution de facilité, okay, je peux l'entendre, mais tu sais très bien comment sont mes parents tout comme tu sais très bien que ce n'est pas une question de maîtriser ou non son existence. Du moins pas pour le moment. Et grands dieux, excuse-moi d'être défaitiste, je ne suis pas en train de geindre sur mon sort, que je sache, mais tu m'as posé une question, à l'origine. De toute façon je n'ai pas envie d'en parler, point barre.
Quant à cette maison, j'aimerais avoir mes examens. Avant. De toutes façons.

Ne m'appelle pas asticot. Tu parlais juste de péter une fenêtre, pas besoin d'être à l'intérieur pour le faire. Clairement qu'il sera pas déçu, entre tes capacités et les miennes, on devrait pouvoir gérer n'importe quel machin qui passerait par là. Je suppose.

Je suis toujours sage et méritant, explique. L'Islande est un beau pays, de toute façon. C'est un joli choix.

R. »

« T'es chiant, des fois. »

« Tu l'es tout le temps. Allez, balance. »

« Ferme-la, tu m'énerves. »

Un bout du parchemin est brûlé, comme si Evan y avait rédigé quelque chose avant de le supprimer de manière à le rendre définitivement illisible.

« Bonne nuit. »

« Déjà ?
Bonne nuit à toi aussi alors, je suppose. Bon courage pour demain.
Fais de beaux rêves.

Regulus. »

Une bonne demie-heure plus tard.

« Je te jure, putain, si je descend je te cogne.
Connard. »

Quelques minutes, plus tard, sur un bout de papier déchiré.

« En quel honneur ? Tu t'excites pour rien, Evan, c'est pas comme si j'avais fait quoi que ce soit. Je sais pas à quoi tu joues, Evan, mais je ne suis pas un punching ball humain.
Si t'as rien de mieux à me dire, va dormir, tu m'agaces. »

« C'est ça. C'est okay quand c'est les autres qui te marchent dessus mais si c'est moi, c'est plus facile de répondre, hein ?
Tes double standard tu peux te les foutre là où je pense, sérieux.
Tu me fais chier, Black.
Et reste avec ta bande de glandus pour aller à Pré-au-Lard, j'ai autre chose à faire que m'encombrer d'un dépressif chronique. »

« Oh, oui, toutes mes excuses de pas avoir envie qu'un ami m'écrase de la même façon que ma famille de timbrés. Pardon. Tu cherches un souffre-douleur ? Va te payer un Poufsouffle.
Soit. Parfait. Ne m'adressez plus la parole, je vous en serais gré. Pour ce que ça vaut, disparaissez de ma vie, je n'ai pas besoin de vous.

Cordialement.
R. A. Black. »

« TRÈS BIEN.

Veuillez agréer mes plus sincères souhaits de vous voir passer votre vie malheureux enfermé entre quatre murs et le nez plongé dans des livres pornos qui se résumeront là à votre seule vie sexuelle et humaine et sociale et tu finiras sûrement par fantasmer sur tes putain d'elfes de maison tellement tu souffriras de ta putain de solitude à la con.

Evan 'je suis tellement drama queen que je rajoute mon second prénom' Ythel Rosier. »

Environ deux heures plus tard, d'une écriture anarchique, rongée par l'alcool. Le parchemin est tâché de sang.

« J'ai dit *illisible* Sirius *illisible* connard et il a dit *illisible* d'accord, putain, ce fils de *illisible* que de toute façon *illisible* et que tes parents allaient *illisible* ET CET ENCULÉ M'A PÉTÉ LE NEZ *illisible* genre j'allais le laisser dire que tu *illisible* putain tu me fais chier, je te *illisible* j'espère que t'es content même *illisible* dans ma vie tu continues à me la pourrir »

La lettre s'achève sur un paragraphe complètement illisible et un long trait.

L'écriture est un peu tremblotante.

« Je ne sais pas ce que vous avez fait pour qu'il vous casse le nez mais je ne vois pas pourquoi vous vous échinez à prendre ma défense - apparemment ? Je n'ai pas tout compris. Laissez-le dire, mon frère a toujours eu une opinion pour le moins médiocre de moi.
Là-dessus, allez à l'infirmerie et cessez de vous importunez pour moi.

R. A. Black.»

Trois jours plus tard, en histoire de la magie, un avion en papier.

« Tu me manques 'énerves. Va à l'infirmerie. »

Le papier lui revint sous forme de boule froissée, envoyée en pleine tête.

« Yo, Black.
C'est mignon de ta part de te soucier de moi, choupinet, mais les blessures de guerre font tomber les nanas comme des mouches - et je ne peux décemment pas passer à côté de l'opportunité. »

C'est le même message qui lui revient mais annoté.

« Yo, Black.
C'est mignon de ta part de te soucier de moi, choupinet, mais les blessures de guerre font tomber les nanas les abruties comme des mouches - et je ne peux décemment pas passer à côté de l'opportunité. mettre de côté mon ego et me faire soigner. »

« Sois pas jaloux, chaton, si t'es sage je t'en prêterais une pour te faire découvrir le monde des adultes.
McLowdon, tiens - tu savais que le temps qu'elle passe à s'enfiler des sucettes lui a filé une technique d'enfer ? »

Une boule de papier lui atterrit en plein dans le nez.

« Je laisse tomber. Fais ce que tu veux, tu m’écœures. »