Elle ne s'était jamais rendue compte à quel point la nuit était magnifique. Elle sublimait les lieux et faisait devenir le chemin de traverse qu'elle avait toujours considéré comme un no man's land un nid douillet. L'hiver la faisait venir tôt et à peine était sortie de son cercueil dernier cri qu'elle s'était rué dehors, allant jusqu'à oublié de se couvrir convenablement. Ses pieds nus effleuraient la neige sans qu'elle ne ressente le froid, de nouvelles sensations l'habitaient et la fascinaient. Une fois l'horreur de la transformation passait, elle aimait se laisser aller dans la neige. Riant, jouant, chantant même parfois ! Toujours sous le regard attentif d'Emris. Charmé par la créature qu'il devenait, il n'avait pu s'empêcher d'effleurer son épaule nue. Il te veut. Pourquoi penses-tu qu'il t'a transformé ? Il veut faire de toi son esclave sexuelle et tu ne vaudra pas mieux que toutes ces filles traînant dans les bordels. La seule différences entre elles et toi, c'est que tu ne pourras pas crever de la syphilis. La voix rude qui avait résonné dans son esprit l'avait remise à sa place et maintenant elle se tenait à l'écart de lui, prenant garde de garder une distance qu'elle jugeait respectable avec lui. « Epona, tu peux m'attendre ? » Elle hausse des épaules. Il lui donne quelques papiers qu'elle se saisit sans vraiment faire attention. Il pénètre dans une boutique, il ne lui a pas proposé de l'accompagner. Elle aurait dit oui, parce qu'elle dit toujours oui, même si elle pense en gros, gras et souligné, même surligné, non.

Elle est du genre gamine effacée, gamine qui écoute ce qu'on lui dit, gamine qui fait ce qu'on lui dit. Elle est une gamine sage quoi. Sauf que c'est plus une gamine, c'est une femme. Alors on joue aux petites rebelles ? Et pourquoi pas ? Alors elle reprend la route, se prenant pour une enfant de bohème qui ne sait pas marcher droit. De son pas léger et dansant, elle avance dans les rues. Les boutiques sont fermées, mais ce n'est pas un problème. Elle a toujours trouvé qu'il y avait bien trop de mondes sur le chemin de traverse. La nuit c'est bien plus agréable. Les rares passants qu'elle croise sont bien trop pressés de rentrer chez eux et ne prêtent pas attention à sa personne. Être invisible, c'est merveilleux. « Mademoiselle ! Vous avez laissé tomber un parchemin. » Elle se figea brusquement. « Vous êtes perdue ? »  Ce n'est qu'avec méfiance qu'elle se saisit du parchemin. «  Non... Pas vraiment non... » Malgré le froid elle sentait le pouls qui vibrait sous cette chaire. Cette envie de lui attraper le coup, de mordre, de boire son sang. Un frisson la parcourut. Elle devait se contrôler. Elle ne devait pas se jeter sur elle, comme la dernière fois, mais il n'est pas là. Elle pourrait faire attention cette fois-ci. Ne pas la tuer.

Epona n'était pas du genre sociable, elle suivait le groupe, mais jamais aller de l'avant, aussi ce fut donc nouveau quand elle proposa d'une voix tremblante si elle pouvait l'accompagner. «  Vous comprenez, je suis terrifiée d'être seule. » D'un geste vague elle désigna là où elle habitait soit disant. «  Ce n'est pas loin, je vous promet. » Elle inspira profondément et se concentra sur la jeune femme pour la pliait à sa volonté comme Emris savait le faire. D'un regard il pouvait hypnotiser n'importe qui, alors pourquoi pas elle aussi ?

Pas étonnant que Lily-Rose l'ait trouvée étrange. À y regarder de plus près, l'inconnue présentait des signes prouvait qu'elle n'était peut-être pas une sorcière lambda. Lily-Rose se rendit compte de la pâleur de sa peau quand elle lui tendit parchemin. Elle quitta des yeux quelques secondes la demoiselle pour appeler son chien qui s'éloignait dans la rue sans l'attendre. Bien vite, son regard retomba sur la jeune femme et sur sa bouche, ou plutôt ses dents. Si une peau blanche pouvait être due à un manque cruel de soleil (ça arrivait, après tout, certaines personnes sortaient rarement de leur demeure), de telles canines ne pouvaient indiquer qu'une chose. Partagée entre une étrange curiosité et un dégoût profond, Lily-Rose demeura de marbre. La voix tremblante de l'inconnue s'éleva à nouveau, éveillant la méfiance de la jeune blonde. La raccompagner chez elle ? Pourquoi ferait-elle une telle chose ? Rose se fichait bien de savoir qu'elle était effrayée par la solitude, elle s'en fichait totalement. Ça aurait pu être l'appartement juste à côté qu'elle n'aurait pas voulu non plus.

Et pourtant, elle n'aurait su dire pourquoi ni comment, mais une part d'elle, une part d'elle grandissante lui soufflait de la suivre. C'était impressionnant, et elle ne comprenait pas vraiment ce qui lui arrivait. Ça lui apprendrait à vouloir être altruiste. Elle n'aurait sans doute jamais du ramasser ce parchemin, non, au contraire, elle aurait du l'écraser,ne pas lancer un regard à l'étrange femme et continuer son chemin, comme tout le monde en soit. « Pourquoi devrais-je vous accompagner ? » réussit-t-elle à articuler, non sans difficulté. Elle se méfiait, elle se méfiait autant qu'elle le pouvait de celle qu'elle avait identifié comme un vampire. Pourtant, elle la suivit, malgré son instinct aiguisé par des années d'éducation de sang-pur. Certains ne voyaient pas les vampires comme des personnes à part, certains voulaient les intégrés, eux et les autres races, dans leur monde. Mais comment pouvaient-ils croire qu'ils étaient semblables ? Les vampires étaient des personnes mortes, dépourvues de tout pouvoir sorcier, et se nourrissant de sang.

Frusciante à ses côtés, elle marcha donc aux côtés de l'inconnue, sans vraiment le vouloir, sans totalement être maîtresse de ses mouvements, et c'était terriblement frustrant. « Où est-ce que vous habitez ? » demanda-t-elle finalement, pour essayer de la faire parler, tout en se maudissant intérieurement d'avoir interpellée cette inconnue. Bien évidement, il avait fallu que cet élan empathique la mène vers cette créature. Poussant un bref soupir, Lily-Rose se laissa guider. Mais de toutes les manières, avait-elle réellement le choix ?

Elle essayait d'appeler en elle un pouvoir ancestrale qui permettait de soumettre les victimes. Remarquant sa fascination, elle n'avait pas eut la nécessité de prier Emris pour qu'il lui apprenne cet art. Il l'avait mise en garde, s'il pouvait apparaître par intermittence, ce n'était qu'après des années d’entraînements qu'elle pourrait le maîtriser. O Grande déesse, faites qu'elle se soumette à mon pouvoir. Elle inspira profondément. Tu n'as pas honte. Faire appel à la déesse pour satisfaire tes besoins de monstre ?. Un frisson de dégoût la prit, la voix était encore là. Elle était toujours là, tapis au fond de son esprit, s'assurant qu'elle n'oublierai jamais qui elle était.

Elle baissa la tête, honteuse, mais ne dit rien. La sorcière accepta de la suivre, mais la vampire sentait bien sa méfiance qui l'entourait comme une aura. C'était quelque chose de nouveau chez elle, qu'elle ne comprenait pas très bien encore. La tête baissée, elle gardait le silence, implorant la déesse de bien vouloir la pardonne de ce qu'elle allait faire.  « Où est-ce que vous habitez ? » « Non... Non loin d'ici. » Elle bredouilla. Elle était terrifiée par l'idée de ce qu'elle allait faire, mais la faim la vrillait. Elle se saisit avec douceur, mais fermeté du bras de la jeune femme. Il paraîtrait que les vampires ont plus de forces qu'un humain, mais son nouvel état était bien trop récent pour que cela soit encore visible.

Elle la poussa en direction d'une ruelle qui finissait en cul-de-sac, il n'y avait rien d'autres que des habitations. Derrière les rideaux fermés et les volets clos, vivaient des familles heureuses. Parfois des ombres chinoises apparaissaient, révélant des instants de vie. « Je... je suis désolée. » Elle plaqua la sorcière contre le mur avec une violence qui l'effrayait. Elles étaient seules. Elle plongea son regard dans le sien, les crocs sortis. « Cela ne durera pas longtemps. Je vous le promet. » Elle inspira doucement les effluves qui s'échappaient de sa chaire. Faites que je puisse m'arrêter à temps seule. Sans l'aide d'Emris, elle s'en savait incapable, mais maintenant qu'elle était sous sa coupe, elle ne pouvait pas la laisser s'échapper ainsi. Elle voulait lui promettre que cela ne fera pas mal, mais elle en était incapable. Elle ouvrit la bouche et planta ses crocs dans sa chaire tendre. Un maelstrom de plaisir et de dégoût l'envahit tendit que le sang de sa victime l'envahissait. Son sang avait un goût fruité.

Sous ses doigts, elle sentait sa victime s'affaissait peu à peu. Elle devait s'arrêter, elle sentait la vie disparaître peu à peu de la belle blonde. Elle en était incapable, la soif prenait le dessus. Epona sentait son esprit s'effacer, il n'y avait plus qu'une chose qui importait, combler cette soif. Elle ne sentait pas Emris venir pour l'arracher de sa victime. Un cri de protestation s'échappa de ses lèvres. « Comment oses-tu ! » Planquée contre un mur, des gouttes de sangs s'échappent de ses lèvres. Elle fixait d'un air terrifiait son créateur. La fureur se dessinait sur son visage. Ne pouvant pas le supporter, elle baissa la tête, honteuse. « Tu me déçois. » Ces quelques mots eurent l'effet d'un coup de poignard dans son âme. Elle avait déçu. La vampire sentit les larmes montaient à ses yeux, mais déjà son créateur ne lui prêtait plus attention.

Penchait sur celle qui avait été sa victime, il était en train de le rassurer par des murmures doux. Pensant ses plaies à l'aide de son propre sang. Recoquillée dans son coin, Epona n'osait pas les rejoindre. Monstre, monstre, mooonstre. La voix chantonnait dans sa tête.